PYTHON – Nathalie Azoulai

Vivre avec son passé, une philosophie pour aller de l'avant - Charles Pépin
Nathalie Azoulai
PYTHON
Éditeur : Pol editeur – janvier 2024
EAN : 978-2818058671
Nathalie Azoulai nous propose ici une narration qui semble s’apparenter au style du  « NOUVEAU ROMAN » ?!… Ce récit neutre, dénué de descriptions, dissimule les affects qui sont nommés avec une redoutable froideur sous la plume d’une écrivaine qui utilise le « JE » pour relater une histoire qui lui appartient d’écrire mais qui ne s’avère pas littéralement autobiographique.
Hors norme, le style s’apparente au langage parlé retranscrit à l’écrit à l’aide de formulations diverses.
Les anglicismes, les références littéraires, les envolées lyriques, les expressions populaires se désagrégeant dans la fournaise d’un magma de contenus thématiques sociologiques, psychologiques et numériques sont toutefois reliés par la structure d’un récit qui se veut avant-gardiste ?!…

La lecture de cette œuvre novatrice pourrait attrister et même désespérer les lettrés, ils amuseront peut-être les esprits scientifiques qui ayant dépassé la logique numérique informatique binaire pour s’acheminer vers la physique quantique trouveront cet opuscule déjà parfaitement dépassé.

Les non-initiés absorberont ce récit informatif en « décodage simplifié » pour apprendre que désormais « l’illettrisme contemporain » s’observe – dans l’hexagone – surtout chez les femmes n’ayant pas « encodé » les structures des langues française, anglaise, et informatique.
Les hommes ne sont toutefois pas épargnés !…

Quant au schéma sous-jacent utilisé par Madame Azoulai (agrégée de lettres modernes, lauréate du prix Médicis en 2015) pour décrire les espoirs et les déboires d’une femme écrivain recherchant « le Graal » par l’apprentissage du codage numérique informatique, il s’avère facilement traduisible en langue française dans un style strictement informatif et accessible à tous et à toutes.

En cet ouvrage pour le moins atypique Madame Azoulai semble avoir découvert « la fille parfaite » qui lui avait échappé lors de la structuration de son précédent roman.

Pour ma part, je tiens à vous livrer ci-après) – sans concession – ma traduction « non littéraire » du simple schéma de ce livre, traduction, qui ne sera pas la votre et encore moins celle de Madame Azoulai ?!…

Pratiquement tous nos modes de vie sont aujourd’hui conditionnés par l’utilisation d’outils informatiques alimentés par des programmes plus ou moins hermétiques et/ou sophistiqués.
L’IA – dans certains domaines – a déjà devancé la fonctionnalité du cerveau humain.

L’écrivaine s’exprime ici à la première personne du singulier pour identifier « une héroïne » qui a décidé d’apprendre à « coder ».
Cette femme (quinquagénaire) issue d’un milieu purement littéraire auquel il ne faudrait pas déroger va bousculer la tradition familiale et les aléas d’un âge déjà avancé pour se lancer à l’assaut de la modernité.
Les sentiments de honte et de culpabilité qui paraissent dans un premier temps la submerger vont vite s’estomper pour laisser place à une ambition légitime mais qui lui semble quelque peu démesurée.
Nous appellerons cette « étudiante geek » : NATHALIE par souci de simplification, empruntant ainsi le prénom de l’autrice du livre dont il est ici question.
Cependant cet ouvrage est apparenté à l’auto-fiction, Madame Azoulay n’est donc pas l’héroïne de cette œuvre littéraire, mais elle en est l’autrice, la narratrice et porte la responsabilité d’inscrire des faits réels et/ou virtuels la concernant qu’elle soumet à notre attention.

Or Nathalie veut coder en python ?

Par un beau jour de Juin, notre héroïne est invitée pour le déjeuner chez l’un de ses amis nommé Pierre, une dizaine de personnes sont déjà attablées sur la terrasse.

Cependant, Nathalie reconnaît et observe le fils de son ami, un adolescent séduisant installé lui aussi sur la terrasse mais face à son ordinateur, un casque sur les oreilles, tournant le dos aux convives.
Intriguée par le comportement presque transgressif du garçon elle s’enquiert auprès de son hôte sur le changement d’attitude du jeune homme en question qui ne respecte plus les règles sociales encore en vigueur au sein du groupe familial dont il fait partie.
Pierre lui explique la situation à la fois fier et embarrassé : son fils a délaissé toutes ses activités pour « coder » devant son outil informatique.
Nathalie ne paraît pas franchement inquiète mais se montre impressionnée par l’acharnement compulsif dont fait preuve cet adolescent (nommé Boris) qui pianote inlassablement devant son écran. Elle aimerait obtenir des informations sur le sens exact du mot « coder » mais Pierre ne peut répondre à son interrogation n’étant pas lui-même ce qu’il est convenu de nommer « un geek ».

La conversation dérive sur le peintre Sam Szafran.
En observant subrepticement, Boris Nathalie repense alors à Darwin qui regrettait le temps, où non complètement « envoûté » par la science ; la beauté de la nature et de l’art pouvait encore alors l’impressionner.

En rentrant chez elle, Nathalie consulte des sites qui l’amusent et retiennent son attention : « un codeur » est un petit Dieu, il crée des univers comme bon lui semble » ; eh !…découverte étonnante… qui devrait rassurer les féministes : Grâce Murray Hopper (1906 – 1992) aurait inventé le langage de programmation Cobol et mis au point les premiers supercalculateurs !…
Donc comme cela a déjà été notifié notre héroïne veut apprendre à « coder », elle place la photo de Grâce Murray Hopper sur son tableau magnétique et commence ses recherches : seront-elles vaines ou prolifiques ?
Ceux qui lisent les romans en utilisant les résumés internet connaissent peut-être déjà la réponse ?!.

La littérature ne les intéresse plus… ou plus exactement dans un monde élitiste où les protagonistes du numérique s’agitent et nous invitent à accélérer la cadence « LA LECTURE » est devenue une activité mondaine réservée à quelques notables HPI ou à certains citoyens beaucoup plus modestes mais amateurs d’œuvres littéraires diverses.
Les AUTRES !… (soumis ou soumises à l’esclavagisme) !…se contentent (si le temps le leur permet encore) « d’absorber » le plus rapidement possible les romans appartenant à la littérature feelgood, romances réconfortantes lorsque l’on rentre du travail épuisé(e).

Mais revenons à notre héroïne !…
Nathalie se décide enfin à envoyer un message à Boris pour lui demander des conseils sur l’apprentissage du codage.
Ce dernier lui propose des visites de sites et lui conseille d’apprendre à coder en python langage utilisé dans les applications Web ?

Nathalie cherche une formation sur internet ce qui ne semble guère facile.
On lui propose diverses formes de langage de programmation qui semblent toutes aussi performantes les unes que les autres mais qui n’inspirent guère notre future geek.
On lui parle de l’école 42.
Elle retrouve alors à ce sujet un mail d’un certain Xavier Nail qu’elle ne connaît pas mais qui se trouve sur sa messagerie.
Elle lui adresse un courriel et comme sa réputation d’écrivain célèbre interroge son interlocuteur sur les motivations qui poussent un esprit littéraire à ambitionner de se former à la programmation, ce dernier la met en contact avec la directrice de l’école 42.

La rencontre avec cette femme s’effectue rapidement car Sophie se montre méfiante et soupçonne Nathalie de vouloir effectuer et divulguer une étude journalistique sur son établissement.

À « l’école 42 » on apprend le langage C++ inventé dans les années 70 mais incontournable déclare Sophie, la directrice geek.

Elle n’invite pas Nathalie à s’inscrire mais lui propose d’emblée une épreuve qui lui permettra de faire partie ou non des étudiants admis sur concours, dans son école.

Cette épreuve nommée la piscine consiste en un challenge : il faut travailler seul 10 heures par jour weekends compris.

À la maison Nathalie consulte le site 42 et l’épreuve de la fameuse piscine mais elle ne comprend rien aux vagues explications qui lui sont données.

Elle crée plusieurs adresses mail comme le lui avait conseillé Sophie et commence les tests de mémoire mais elle est refoulée sur toutes les adresses créées et décide de lire des blogs concernant le sujet qui l’intéresse.
la plupart sont écrits en mauvais français bourrés de fautes d’orthographe.

Il semble que les geeks – pour certains – aient délaissé la langue française pour le langage informatique qu’ils maîtrisent par contre avec la plus grande exactitude.

Après plusieurs essais, ses amis lui conseillent de se former à l’informatique de base pour poser à nouveau sa candidature à la dite école nommée ci-dessus.

Son premier cours la laisse dubitative, sa très jeune « coach », nommée Chloé, s’exprime avec un langage épuré, juste, compréhensible.
Cependant, Nathalie s’interroge sur le nouveau mode de vie qu’elle désire adopter.
Elle sait qu’elle ne peut plus écrire, elle n’y parvient d’ailleurs pas pour l’instant.
Sans doute doit-elle intégrer le nouveau monde pour reprendre le cours du temps et la plume.
S’enfouir au sein d’un espace-temps numérique artificiel pour accéder à un style littéraire plus contemporain.

Sans doute a-t-elle peur de ne plus être introduite dans les salons, salles de conférence, et autres manifestations porteuses d’audience et de Vie. Elle semble ne pas avoir le choix, elle doit investir son énergie pour pénétrer ce monde virtuel afin de poursuivre son cheminement.

En réalité la rencontre avec son « professeur » la laisse dans une réflexion plus sérieuse encore.
Nathalie découvre à son insu la nouvelle face de la société actuelle qui ne peut survivre que par l’utilisation du « codage ».
*(En informatique le codage consiste à écrire du code en utilisant un langage de programmation qui est un ensemble de règles et de conventions pour inscrire des instructions que l’ordinateur est en mesure de comprendre et exécuter sous certaines conditions).
Sans codage l’accès au monde naturel ne pourrait plus s’actualiser lui explique Chloé et nous ne pourrions survivre à son extinction puisque tous les modes de fabrication et de construction utilisent des machines activées par les nouvelles technologies.
Cette révélation ne semble pourtant pas effrayer notre étudiante qui consent à poursuivre l’enseignement divulgué par Chloé.
Sa coach s’appesantit également sur la définition « du code source » *(texte présentant des instructions composant un programme sous une forme lisible par un geek, telles qu’elles ont été écrites dans un langage de programmation. Le code source se présente généralement sous la forme d’un ensemble de fichiers texte) elle insiste également sur les centaines voire les milliers de langage qui existent sur la planète pour parvenir à coder : Python, Java, JavaScript, Ruby, C, C++, C sharp, PHP, CSS, Kotlin, Swift etc… Mais Chloé s’entête ; elle veut apprendre à coder en « Python » comme le lui a conseillé Boris, le fils de son ami Pierre.
Toujours impassible la coach lui explique que ce langage d’origine américaine est le plus populaire aujourd’hui, il serait d’écriture rapide mais d’exécution plus lente que la plupart des autres langages.
Notre héroïne pense que tout cela s’avère bien complexe puisque pour développer un programme créant – par exemple – *(la classification des ouvrages d’une bibliothèque, selon des critères bien personnalisés, des milliers de caractères seraient nécessaires.)
De plus, une simple erreur de virgule annihilerait la lisibilité de la page en question.
PYTHON, élaboré par Guido van Rossum, est un projet (open source) par conséquent gratuit et directement accessible à tous les programmeurs hautement confirmés.

Intriguée par le nom du langage créé par Guido, notre héroïne cherche à entrer en contact avec lui, elle y parvient d’autant plus facilement que ce programmeur ne se prend pas pour une star hollywoodienne alors qu’il est recruté et généreusement rétribué par les plus grandes firmes de la Silicon Valley. Une correspondance par mails s’instaure rapidement entre Nathalie et son nouvel ami californien qui semble apprécier ses messages et répondre avec une subtile simplicité à son questionnement quelque peu anarchique.
Ainsi – grâce à cet échange – notre héroïne perçoit que le codeur doit mener un combat sans relâche, lucide et acharné contre le Big Data, mais la récompense apparaît fructueuse sur le plan financier lorsque le programmeur est sollicité par les grandes firmes qui pour la plupart placent leurs bénéfices dans les filiales de banques privées discrètement installées dans les paradis fiscaux.
Plus tard elle comprendra que ces esprits scientifiques aussi motivés soient-ils par « la recherche » ne sont pas tous désintéressés mais essentiellement concentrés sur leurs écrans par l’appât du gain qui pourrait résulter de leurs découvertes, malheureusement peu nombreux sont les élus. Certains « codeurs » demeurent rivés à leur outil informatique, sans ressources, sans gloire, sans espoir de réinsertion au sein d’un groupe de travail exigeant l’acte de soumission à une discipline qu’ils sont susceptibles d’intégrer en « mode machine » mais qui s’avère – pour eux – non recevable dans le cadre d’une activité professionnelle prônant l’ordre, la rentabilité de l’entreprise, la régularité des horaires, et le professionnalisme faiblement rémunéré.
Guido fait partie des élus.
Pour parvenir à élaborer son langage : l’image du reptile » Python » s’est avéré – pour lui – (d’un point de vue symbolique)… stimulante : l’imagerie a donc pris forme et a permis de révéler un nouvel outil numérique : le langage « PYTHON ».
Mais avant d’apprendre à coder, Nathalie doit reprendre et comprendre les bases informatiques or sa coach lui explique rapidement d’une voix autoritaire et  » robotique » qu’elle n’est pas rétribuée pour retracer l’épopée des quatre-vingts années qui ont précédé l’histoire du codage pour revenir au corpus binaire.
Ce sera son dernier cours, elle le signifie à son interlocutrice qui ne comprend pas l’attitude pédagogique peu altruiste de son professeur.
Avant son départ Nathalie apprend toutefois que le système binaire ne connaît que deux états : « allumé/éteint », explique Chloé chaque caractère informatique est codé sur un octet *un octet est une unité d’information de 8 bits, c’est à dire un ensemble de chiffres binaires pouvant prendre les valeurs de 1 ou 0. Un octet permet de représenter 2 puissance 8 nombres soit 256 suites numériques.
Le code binaire est la seule forme de langage compréhensible par les composants électroniques de l’ordinateur. Mais ces « pages » de binaire ne sont pas directement accessibles puisqu’elles se trouvent dans les circuits des microprocesseurs sous la forme d’impulsions.
Le microprocesseur poursuit Chloé interprète et exécute les consignes reçues en langage binaire.
Cette suite de 0 et de 1 (langage lisible par le processeur) est actuellement produite automatiquement par un compilateur dont « les codeurs » ne se préoccupent plus.
*(Un compilateur est un programme informatique qui traduit l’ensemble du code source d’un projet logiciel en code machine avant son exécution.
C’est uniquement après cette traduction que le projet sera exécuté par le processeur qui dispose de toutes les instructions sous forme de code machine avant le début du projet).

Suite au mouvement d’humeur de Chloé et à la rupture du contrat qui la reliait à Nathalie cette dernière décide de reprendre contact avec le fils de son ami Pierre.
Boris lui adresse aussitôt la fiche d’une geek nommée Margaux qui pourrait lui donner les informations attendues pour démarrer son initiation en informatique.
La trentaine, Margaux est une lettrée convertie à l’informatique par nécessité et peut-être par passion amoureuse pour Boris qui lui a enseigné les préludes du codage et qui semble poursuivre avec elle une relation à la fois romanesque et numérique ?!..

Margaux accepte de retracer le chemin sinueux de la découverte de la logique binaire pour parvenir à l’explication des données numériques actuelles, elle s’exécute avec une imagerie issue des « fresques » livresques dont elle dispose en abondance et qui semblent entrer en résonance avec les archétypes littéraires référencés et « codés » par Nathalie. Cependant le verbiage de Margaux finit par exaspérer notre héroïne. Nathalie rédige alors un mail à sa partenaire de travail : elle souhaite que la prochaine séance soit consacrée à l’enseignement du codage informatique (version numérique) plutôt qu’à la traduction littéraire de ce dernier.
Margaux évoque quelques malaises pour annuler ladite séance, séance à laquelle – contre toute attente – Boris en personne va se présenter pour lui expliquer les prémices pour accéder au langage PYTHON.
– « La base est algébrique avec utilisation des fonctions, des variables et de quelques propriétés spécifiques du langage que je te propose d’apprendre » déclare son instructeur.
Lorsque Boris quitte son costume de coach pour retrouver sa liberté Nathalie semble enfin avoir compris la configuration « par étapes » du langage enseigné et l’utilisation de quelques signes relatifs aux instructions à donner pour coder une phrase en langage python.

Forte de cette initiation, elle reprend contact avec la directrice de l’école 42 et exprime avec un aplomb insoupçonné qu’elle souhaite « s’immerger dans le code » sans tenter l’épreuve de la piscine.
Étonnamment, Sophie accepte cette proposition.

Mais, si la personnalité du fils de Pierre l’obsède au point de suivre son enseignement à la lettre, elle n’en demeure pas moins fidèle à l’une de ses amies Marion qui en pure littéraire lui fait comprendre que le langage binaire ne remplacera jamais les subtilités phrastiques des écrivains reconnus comme tels.
Fort heureusement la littérature restant leur point de référence les deux amies n’entrent pas en conflit mais après une âpre discussion décident de terminer l’après-midi au musée devant les nymphéas de Monet. Les œuvres artistiques picturales forment un langage qui semble là encore les rassembler.

Cependant Nathalie ne peut se permettre de vivre dans une semi-oisiveté en une posture passive en attente d’une manne intellectuelle qu’elle ne saura peut-être ni assimilé et ni mettre à profit pour perfectionner ses projets d’écriture. Aussi accepte-t-elle d’accéder à la demande de Solange une sexagénaire jusqu’alors « fan » des ouvrages de Nathalie.
Solange a tout préparé et Nathalie se retrouve à Angers dans un auditorium composé de femmes retraitées en attente d’un « réveil littéraire » que pourrait leur prodiguer cette écrivaine dont le style novateur les intrigue.
Nathalie s’exécute mais son statut de conférencière ne lui donne pas tous les droits et quand elle aborde avec une assurance improvisée la possibilité d’une rencontre entre le numérique et la littérature pour un élargissement des savoirs, elle se retrouve au ban des accusés et définitivement radiée du groupe qui pensait accueillir une écrivaine novatrice plus humaniste.
Lorsque Solange la raccompagne sans un mot, Nathalie comprend que son éditeur ne lui pardonnera peut-être pas cette échappée numérique avant-gardiste dans un monde où la littérature pourrait encore nous rassembler au sein d’une sphère moins technologique.
A-t-elle définitivement franchi une ligne rouge ?

Ce triste évènement la conduit à une introspection.
Instinctivement, elle ouvre l’un des tiroirs d’une commode et parmi des papiers épars notre héroïne retrouve la photo de Simon, un ami homosexuel rencontré au lycée avec lequel elle avait réussi à construite une relation amoureuse platonique mais quelque peu glauque et envahissante ; Simon la jetant parfois dans les bras de garçons qu’il souhaitait lui même conquérir sexuellement et dont les aventures libertines que lui rapportait son amie les propulsaient tous deux dans le monde d’une complicité intime partagée et non conventionnelle.
Simon était passionné par l’écriture, la musique et les hommes, seule Nathalie avait réussi à recueillir ses confidences mais leur amitié s’était étiolée au fil des années et Simon qui n’avait pas réussi à inscrire son identité au centre d’une réalité professionnalisante, avait fini par sombrer dans un état semi-léthargique.
Nathalie devenue mère de famille écrivaine se trouvait dans l’impossibilité de l’aider à vaincre « ses démons ».
L’attention qu’elle lui témoignait en restant en contact avec lui par la messagerie internet le blessait de toute façon de manière croissante.
La réussite sociale de Nathalie, son avènement vers la célébrité ravivait en lui un sentiment de déchéance qu’il ne pouvait que constater.
Les deux amis ne se voyaient plus et leurs échanges devenaient de plus en plus rarissimes.
Nathalie s’inquiétait de cet état de fait mais restait étrangement passive craignant sans doute une aggravation de cette maladie de l’âme qu’elle pressentait chez cet homme qu’elle avait passionnément aimé et dont elle gardait désormais l’empreinte « pour le meilleur et pour le pire ».
Elle décida donc que Simon serait son allié, son joker et qu’ainsi il survivrait dans l’espace/temps d’une autre dimension.
Car lors de sa dernière visite chez cet homme vieilli prématurément, dévasté par un mal de vivre dont il ne pourrait plus s’extraire, elle avait dû admettre que l’irréparable était advenu.
Son addiction au sexe le portait vers des zones d’ombre de plus en plus sombres où les professionnels de la prostitution survivent eux-mêmes de par l’exercice d’une activité pornographique tarifée en dehors de toute responsabilité sous l’oeil des radars pourtant biens réels mais inopérants postés au sein d’une démocratie incapable d’assurer la sécurité des citoyens quels qu’ils soient.

À l’école 42, chacun œuvre à son propre destin, les étudiants tenus à une discipline « militaire » travaillent seuls ou en binômes aucun professeur ne les accompagne. Seule la directrice surveille leurs travaux, la régularité des horaires, les ingérences éventuelles qui pourraient se traduire par une exclusion définitive de l’établissement.

Les projets de Nathalie ne se réalisent pas pour autant.
Son ordinateur reste muet.

En pensant à Simon qui a définitivement investi une partie de son capital énergie de manière virtuelle, elle décide de changer de stratégie et part à la recherche d’un codeur « à sa convenance » qui accepterait de travailler en binôme avec elle.

Ses recherches restent tout d’abord vaines mais elle découvre soudain un jeune homme dénommé Enzo qui accepte sa présence à ses côtés.
Enzo à une trentaine d’années
Elle lui explique qu’elle souhaiterait simplement le regarder « coder » : une technique d’apprentissage qui après des échecs répétés pourrait peut- être stimuler sa créativité sur un mode opératoire numérique difficile à maîtriser pour un « cerveau littéraire ».
Nathalie se présente : nom, prénom, profession « Elle marque un point » les écrivaines sont inexistantes à l’école 42 et Enzo paraît quelque peu ébahi de se retrouver face à une conceptrice et réalisatrice de romans.
Le trentenaire aux yeux bleus accepte sa proposition.

Puis viennent les confidences, Nathalie lui parle de Nanterre où elle est née, de ses études de lycéenne et de Simon son meilleur copain de classe.
Elle apprend alors que son binôme vit à Nanterre à l’adresse où se trouvait auparavant le cabinet de travail du médecin de famille qui les prenait alors en charge lorsqu’elle était adolescente.
Puis les épanchements se font plus intimes et Enzo lui révèle que comme Simon il préfère les garçons.

Les journées défilent et Enzo poursuit son travail de codeur avec assiduité sous le regard de Nathalie qui s’intéresse visiblement beaucoup plus à la psychologie du jeune homme qu’au jeu de ses doigts sur les touches de son ordinateur.

Elle s’inquiète soudain lorsque le jeune homme s’absente durant deux journées consécutives sans prévenir son binôme.

Après quelques hésitations Nathalie décide de se rendre à l’adresse qui lui avait été donnée pour prendre de ses nouvelles.

Le désordre qui règne dans l’appartement du « codeur » lui rappelle la descente aux enfers de Simon.
La tenue négligée du garçon, la vaisselle oubliée amoncelée sur l’évier de la cuisine les cartons souillés de restes de pizzas et les sacs poubelle remplis à ras bord entassés de toutes parts, tout cela inquiète notre héroïne qui « en mère de famille improvisée » commence à rétablir un ordre relatif dans l’appartement où seuls les ordinateurs paraissent vivre une existence tranquille.
Enzo finit par avouer à sa secouriste inattendue que suite à un chagrin d’amour il aurait survécu grâce au code à l’informatique et à l’école 42.

Cependant l’être humain aimé en question (genré masculin) qu’il nommait « l’homme de sa vie » avait fait un jour ses valises pour retourner dans son pays natal.
Enzo avait fait le voyage au Japon pour s’entendre dire que la rupture était définitive.
Alors lorsqu’il se retrouvait seul face à lui même le désespoir l’envahissait et les outils informatiques qui ronronnaient dans l’appartement ne semblaient guère le réconforter.

En quelques mots Nathalie relata sa propre histoire et celle de Simon.
Enzo buvait ses paroles et considérant qu’il avait le privilège d’avoir pour la première fois une confidente attentive à l’expression de son désarroi semblait retrouver un embryon d’espérance.
Il la remercia et ce n’est pas sans inquiétude que Nathalie reprit la route de Paris.
Elle retrouva ses deux filles et l’école 42.
Le lendemain matin Enzo n’était pas à l’heure et lorsqu’il se présenta enfin dans l’établissement des « codeurs » c’est avec un soulagement inespéré que Nathalie s’avança pour lui parler d’un projet qu’ils pourraient réaliser en commun grâce à l’assistance de l’IA : écrire un roman en binôme avec l’aide de « ChatGpt ».
Cette perspective sembla raviver la force existentielle du codeur dont les yeux bleus se mirent à briller.
Mais Enzo avait lui aussi ses projets : « une appli » en cours de réalisation et une entreprise à créer.

En repensant à Simon un autre projet vint à l’esprit de Nathalie mais parler de ce dernier aurait été prématuré.

Nathalie ne coderait peut-être jamais à l’instar d’un programmeur en langage python mais elle avait tout au moins acquis un certain savoir et pouvait désormais communiquer avec ses nouveaux amis scientifiques qui l’avaient initiée à la programmation.

Grâce à l’aide de son binôme, Enzo découvrit quant à lui, une jeune fille qui allait devenir ultérieurement sa jeune confidente au sein même l’école 42.

Rassurée, notre héroïne poursuit finalement mystérieusement sa route avec l’empreinte indélébile de Simon qui, malgré son absence « en mode présentiel » stimule son adrénaline lorsque l’hésitation obstrue sa pensée et la réalisation de ses projets.

« En chaussures de python », elle avance avec hauteur, franchissant le monde de la modernité dotée d’une audace qu’elle n’avait jamais osé soupçonner.

Béatrysse Dartstray