Elle l’observait, elles s’observaient sans enthousiasme… simplement par nécessité.
Puisque chacun la vénérait, elle se devait de contempler ce portrait qui l’exaspérait et qu’elle souhaitait pourtant présenter à ses élèves du lycée avec la plus grande objectivité.
Il fallait la trouver belle mystérieuse renaissante à la Renaissance sortie des mains d’un artiste génial et savant de surcroît.
Symbole intemporel de l’art occidental, elle voyagea de Florence à Milan pour surgir à Amboise dans la maison familiale de notre roi François premier qui acheta avec avidité le peintre et son œuvre préférée.
« Moche… tu es moche… la Joconde » pensait celle qui observait ce portrait chargé de mystère et d’une indescriptible insincérité méprisante hautaine non dépourvue d’insolence.
Cependant il fallait la trouver belle sublime énigmatique les codes de la société académique française l’exigeaient.
La technique picturale avant-gardiste utilisée par le peintre pour façonner cette œuvre d’art remarquable revendiquait reconnaissance et respect.
Les glacis successifs opérés pour magnifier ce portrait interdisaient tout discours diffamatoire sur le « SUJET » encore dépourvu de véritable identité mais dont le regard semblait vous poursuivre à tout jamais… illusion d’optique, certes, mais bien difficile à actualiser lorsque l’on souhaite représenter l’ÉTERNITÉ sur la toile de l’atelier.
Et que dire du « sourire en coin » de celle que finalement les historiens ont convenu de nommer Mona Lisa ?
Sur ce point les statistiques ont tranché, il s’agirait de l’expression d’une femme heureuse ? !…
Lassé par ce portrait qu’elle ne pourrait en aucun cas critiquer Léna en quelques traits retraça – en secret – au crayon, sur une feuille de papier, les traits d’une Joconde Souriante et Enjouée pour l’ÉTERNITÉ.
Le lendemain matin, lorsque Léna se réveilla le soleil transperçait les nuages blancs formant des flocons irisés sur un ciel d’acier désenchanté.
Elle observa son visage dans le miroir qui l’interrogeait et entendit une petite voix timide qui lui disait : « t’es moche la Joconde… tu sais » !…
Béatrysse Dartstray